mercredi 30 juillet 2014

X-Alpine en Suisse : 110 km démentiels !

Le jeudi 10 juillet, toute la famille prend la direction du Valais en Suisse et plus précisément de la célèbre station de Verbier. Après mon abandon sur le trail du Cro-Magnon (km 80 pour cause de fatigue générale), j'ai à cœur de participer et surtout de finir un ultra trail typé montagne. La X-Alpine de 111 km pour 8700 m+ est parfaite pour se dégourdir les jambes ! Je me sens en grande forme même si le manque de sommeil (3h par nuit durant deux semaines pour cause de travail) se fait encore ressentir.
On the road again

Paysage d'Aoste
Nous passons par le Col du Grand Saint-Bernard (frontière italo-suisse) où nous trouvons la neige. Le parcours de l'ultra trail passe par là et le froid laisse présager une course difficile. Durant les quatre jours où nous serons en Suisse, nous n'aurons malheureusement pas l'occasion de voir les sommets alentours pris dans la brume.
Passage au col du Grand Saint-Bernard sous la neige
Sur la place de Verbier, nous rencontrons la sympathique organisatrice du trail Tiphaine qui nous oriente vers le Camp de base au Châble où nous séjournerons. L'endroit est parfait pour se reposer et se détendre en famille. Nous aurons l'occasion de partager de bons moments avec le photographe Cyril Bussat et sa collaboratrice Laëtitia. Nous faisons aussi la connaissance des "élites" comme le finlandais Fritjof Fragerlund et le célèbre français Ludovic Pommeret accompagné de son épouse.
Au camp de base au Châble
Le lendemain, le temps médiocre persiste. Je profite d'un footing matinal et d'une brève éclaircie pour admirer les magnifiques paysages du coin. A Verbier, de nombreux coureurs sont présents dès 14h pour retirer leur dossard. L'organisation est bien rôdée et les bénévoles très accueillants. Globalement, nous avons été enchantés par la générosité des suisses. Je rentre assez vite au camp de base pour me reposer et préparer mes affaires pour le lendemain. Le matériel obligatoire ne sera sûrement pas un luxe dans des conditions qui s'annoncent extrêmes.
Le jour J, l'ambiance est à son paroxysme grâce notamment à Ludo Collet, animateur bien connu dans le monde de l'ultra. La météo annonce de la pluie, du froid et des orages : un cocktail détonnant ! A 5 heures du matin, le village de Verbier semble déjà réveillé malgré la nuit. Sur la ligne de départ, je suis pressé de partir, de découvrir un parcours exceptionnel et de jauger mes capacités physiques. Le décompte avant le coup de feu est une vraie jubilation : le cœur bat plus fort, les coureurs sont à l'unisson.
Sur la ligne de départ
A quelques secondes du départ

Vidéo du départ
Les premiers kilomètres donnent le ton avec une allure très rapide dès le départ. Par curiosité, je suis Ludovic Pommeret et Jules-Henri Gabioud dans la première montée de 300m+. Leurs grandes enjambées m'impressionnent et feront une nette différence dans la descente suivante et tout le reste du parcours. Les deux acolytes ne se quitteront plus pour finir main dans la main dans un temps canon de 14h35'. De mon côté, je reste dans le top 10 à ma grande surprise. Les jambes répondent bien. Je creuse l'écart dans les montées. Le choix de mon matériel (sac, textile et bâtons) me semble pertinent. Je vais très vite déchanter avec mes Hoka Stinson. Avec leur amorti incroyable, je les ai choisies pour le Tor des Géants (330km pour 24000m+) qui aura lieu en septembre prochain. J'espère ainsi ménager au maximum mes articulations et mes muscles pour durer le plus longtemps possible. Je suis très satisfait de mes chaussures mais sur terrain gras elles sont complètement inadaptées. Les premiers kilomètres très rocailleux, avec notamment les 1700m+ de la montée d'Orny (altitude 2800m et km 30), ne me posent pas de problème mais les derniers kilomètres très gras seront un véritable chemin de croix.
Juste avant le refuge d'Orny

Le refuge d'Orny nous accueille au son du Cor. L'endroit est superbe et l'ambiance montagne réjouissante. On m'annonce toujours dans le top 10. La descente qui suit est très technique et j'y prends beaucoup de plaisir. Les chemins variées et bucoliques font passer le temps plus vite. A ma grande surprise, j'arrive déjà à La Fouly (km 50) où Edith et les enfants doivent m'attendre. Malheureusement, en avance sur les prévisions chronométriques, nous ne nous croiserons pas. Je repars déçu mais ma motivation reste intact. Je sais que je retrouverai tout mon petit monde au col du Grand Saint Bernard. Auparavant, il faut passer le terrible col de Fenêtre et ses 1600m+. La pluie verglaçante redouble et je suis complètement trempé. Les chemins se transforment en rivière sous les trombes d'eau orageuses. Malgré tout, je me sens très bien. Je cours dans les montées qui ne dépassent pas les 15-17%. J'ai la joie de retrouver Cyril Bussat au col de Fenêtre qui après quelques clichés m'encourage. Sous son grand parapluie et son épais ciré, il me confie qu'il ne pourra pas rester longtemps sous de telles conditions météo. Etre là montre déjà son grand professionnalisme : chapeau l'artiste !
Le mental est bon et je retrouve avec plaisir le chemin connu du col du Grand Saint-Bernard. Comme espéré, Edith et les filles m'attendent au ravitaillement (km 60) sous une pluie diluvienne. Leurs sourires et leurs encouragements sont une grande énergie.
Au col du Grand Saint-Bernard
Les filles attendent papa
Avec mon ange au ravitaillement
Je suis pointé en 9ème position. Place que je ne quitterai pas jusqu'à Bourg Saint-Pierre (km 75) où je change de chaussures et de vêtements. Je mange quelques pâtes et je repars en pleine possession de mes moyens. Je n'ai pas encore eu de baisse de régime.

Vidéo descente col des Chevaux
Sur le parcours
Sortie du ravitaillement de Bourg Saint-Pierre

C'est reparti !
La montée vers la cabane Mille se fait encore sous la pluie mais le terrain a changé : les sentiers de terre sont une véritable pataugeoire. Mes chaussures adhèrent très mal. Je prie pour que la descente après le sommet ne soit pas dans le même état mais ce ne sera pas le cas. Arrivé à Cabane Mille (km90), je suis encore 9ème. Je prends une soupe chaude pour me réchauffer.
Avec la tombée de la nuit qui se profile, la température a encore chuté. Je repars confiant. Malheureusement, la descente entame sérieusement mon mental. J'ai l'impression d'avoir des savonettes aux pieds. Les chutes se multiplient sur un terrain rendu encore plus boueux par les passages successifs des coureurs du petit et du grand parcours. J'enrage et je peste contre moi-même. Je suis incapable de trouver le juste équilibre. J'arrive à Lourtier (km 96) en ayant perdu beaucoup de temps et deux places. Edith s'aperçoit de mon coup de moins bien et tente de me remotiver. J'ai perdu beaucoup de force à lutter contre les glissades et je ne suis pas au bout de mes surprises.
Arrivée à Lourtier
Départ du ravito
En route pour la dernière difficulté
 La dernière montée vers La Chaux en condition nocturne, dans le froid et sous la pluie est terrible. Sur la crête, il est difficile de se repérer dans la brume (l'organisation, loin d'être frileuse, choisira d'ailleurs par la suite de stopper momentanément la course à Lourtier). Dans la descente suivante, je vais vivre l'une des plus terribles expériences en trail de ma vie. Incapable de courir sur le chemin boueux en raison du manque d'adhérence, je choisi de courir sur la végétation qui le longe. Je suis couvert de boue de la tête au pied en raison d'une trentaine de chutes .  Je suis groggy, je n'en reviens pas de ne pas pouvoir poser un pied sans glisser. Je maudis les Hoka, mon incapacité à trouver mon équilibre. Je cherche toutes les positions sans succès. De nombreux coureurs me doublent sans que je ne parvienne à comprendre pourquoi eux ne glissent pas. J'ai envie de courir pieds nus mais la raison m'en dissuade. L'arrivée est toute proche et tellement loin... Je tombe, je me relève, je tombe , je me relève, je tombe et je me relève encore. C'est un miracle que je ne sois pas blessé. Un pied foule enfin un terrain dur : le bitume. Verbier est là. Les rues détrempées sont désertées.  J'accélère. Je franchis la ligne après 18h46' d'une aventure incroyable, riche en émotions et sensations. Je termine en 15ème position et 3ème français. L'objectif est atteint. Je suis transis de froid. Edith et les filles sont là pour me réchauffer ainsi que les premiers secours et leur ambulance chauffée. Un grand merci à eux.
Sur la ligne d'arrivée le lendemain

Sur 417 partants, seulement 173 connaîtront la joie d'être finisher.
Je viens de terminer une course terriblement dure, inégalable et je sais que la prochaine s'annonce tout aussi intense. Je me languis déjà d'être à Courmayeur le 7 septembre prochain pour le grand Tor des Géants !
 Un grand bravo à une organisation accueillante et parfaitement bien huilée. Les bénévoles ont toujours été adorables. Malgré les conditions exécrables, je garde un excellent souvenir d'un parcours magnifique et très alpin. Mention très bien pour cet ultra d'exception.
Un immense merci à ma femme toujours très présente et toujours à fond derrière moi.
Pour plus d'infos sur la course : http://www.trailvsb.com/fr/

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